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Études de cas

Massacre dans le bois sacré d’Argos

Auteur de l’oeuvre : Hérodote
Titre de l’oeuvre : L'Enquête
Nature de l’oeuvre : Récit historique
Date de rédaction de l’oeuvre : Ve siècle av. J.-C. (troisième quart)

Références de l’extrait : VI, 78, 79, 80 (avec coupures)
Auteur de la traduction de l’extrait : Jeannine Boeldieu-Trevet

Extrait

VI.78 Cléomène […] ordonna à ses hommes de prendre les armes et de s’élancer contre les Argiens quand le héraut donnerait le signal du repas. L’ordre fut exécuté par les Lacédémoniens. Ils se jetèrent sur les Argiens […] et massacrèrent nombre d’entre eux (kai pollous ephoneusen autôn). Un plus grand nombre encore, qui s’était réfugié dans le bois sacré (alsos) d’Argos, fut encerclé et tenu sous surveillance. 79 [Cléomène] renseigné par des transfuges envoya un héraut pour inviter ceux des Argiens qui s’y étaient réfugiés à sortir du sanctuaire (en tô hirô) quand ils seraient appelés par leur nom. Il les invitait à le faire en affirmant qu’il avait reçu leur rançon […] Une cinquantaine d’Argiens sortit donc à l’appel, chacun, de Cléomène et il les tua (ekteine) […] Le bois sacré (alsos) était épais et ceux qui étaient à l’intérieur ne voyaient pas ce que subissaient ceux de l’extérieur jusqu’à ce que l’un d’eux, en grimpant sur un arbre, découvrit ce qui se passait. À partir de ce moment, bien qu’appelés, ils ne sortirent plus. 80 Cléomène ordonna alors à tous les hilotes d’entourer le bois sacré (alsos) d’un amas de bois de feu (hulê) et quand ils eurent obéi, il fit incendier le bois sacré (eneprêse to alsos).

» Accès au texte original (latin/grec)

Commentaire

Auteur de l'étude de cas : Jeannine Boeldieu-Trevet
Date de création de l'étude de cas : 9 novembre 2021

Nom de la guerre : Guerre entre Sparte et Argos
Date de l’évènement : vers 494 av. J.-C.

Thématiques : Sacré
Siècle : Ve siècle av. J.-C.
Région : Balkans (y compris Macédoine)

Typologie de la guerre : Guerre de conquête ou interétatique
Contexte militaire : Attaque surprise
Type d’action : Massacre

Devenu l’un des deux rois de Sparte à la suite d’une succession difficile, l’Agiade Cléomène eut entre 520 et 488 une politique étrangère très active, quoique controversée, dans et hors du Péloponnèse. Notre source essentielle sur son action est Hérodote qui accorde une attention particulière au conflit entre Sparte et Argos, sa principale rivale dans le Péloponnèse. Vers 494, après avoir consulté l’oracle de Delphes et s’être mépris sur le sens de l’avis donné, Cléomène débarqua en Argolide entre Tirynthe et Nauplie à Sèpeia. Hérodote insiste sur le fait que la défaite des Argiens fut acquise par ruse et non par une bataille rangée comme y incitaient les règles en vigueur dans les sociétés grecques de l’époque. Il insiste aussi sur l’encerclement des survivants réfugiés dans le bois sacré d’Argos, héros éponyme de la cité, et le massacre de quelques-uns d’entre eux suivi de l’incendie du bois où le reste des Argiens fut brûlé vif. Tout au long du récit, Cléomène commande les interventions de l’armée lacédémonienne et agit. Dans la dernière phase, toutefois, il requiert l’aide des hilotes. Ces membres d’une population dépendante attachée à la terre qu’ils cultivaient au service des citoyens étaient invendables en dehors de Sparte. On possède plusieurs témoignages, dont celui d’Hérodote, de leur participation à des activités militaires, soit comme valets d’armes, convoyeurs de vivres ou gardes de camps, soit comme troupes armées à la légère (psiloi) plus souples et plus rapides que les hoplites, comme ce fut le cas à Platées en 479. Si l’on en croit Hérodote 6000 Argiens laissèrent la vie à Sèpeia et dans l’alsos d’Argos. La ville même d’Argos, vidée de sa population mâle active, ne fut pas envahie.

L’action de Cléomène, telle que décrite par Hérodote, appelle plusieurs remarques. Pour avoir agi ainsi en s’attaquant à un sanctuaire, le roi de Sparte fait preuve d’une absence de raison (alogia), voire de folie, et d’impiété allant jusqu’à la transgression des règles du sacré. L’accumulation et la répétition des termes désignant un sanctuaire (alsos, hieron) marquent l’intrication possible entre religion et action militaire. Hérodote en donne plusieurs autres exemples, comme la tentative de Cléomène de pénétrer dans le temple d’Athéna, sur l’Acropole d’Athènes, vers 508. Ou encore, en 506, l’abattage, sur ses ordres, des arbres du sanctuaire d’Éleusis. Mais aussi, après sa victoire à Sèpeia, sa volonté de sacrifier lui-même à l’Héraion d’Argos, peut-être en signe de conquête symbolique des lieux les plus sacrés de la cité d’Argos. Peut-être aussi par volonté d’acquérir plus de pouvoir dans l’ordre du sacré.

Pour citer ce commentaire : Jeannine Boeldieu-Trevet, « Massacre dans le bois sacré d’Argos « , www.Parabaino.com mise en ligne le 11/11/2021

Bibliographie