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Sparte ‘dénervée’

Auteur de l’oeuvre : Tite-Live
Titre de l’oeuvre : Ab Urbe condita libri (l’histoire de Rome depuis sa fondation)
Nature de l’oeuvre : Récit historique
Date de rédaction de l’oeuvre : 31 av. J-C. / 14 ap. J.-C.

Références de l’extrait : XXXVIII, 33-34, 1-3 ; 9
Auteur de la traduction de l’extrait : R. Adam (CUF)

Extrait

Philopœmen fut reconduit dans ses fonctions. Au début du printemps, il mobilisa l'armée et campa sur la frontière lacédémonienne, puis envoya des ambassadeurs pour réclamer les responsables de la défection et promettre que s'ils obtempéraient, la cité ne serait pas attaquée, et qu'ils ne seraient pas punis sans avoir plaidé leur cause. Tous se turent par peur; mais ceux qu’il avait réclamés par leur nom déclarèrent d'eux-mêmes qu’ils iraient, les ambassadeurs leur ayant garanti qu'ils ne subiraient aucune violence avant d'avoir plaidé leur cause. D'autres personnalités les accompagnèrent, pour les défendre à titre personnel, mais aussi parce qu’ils estimaient que leur cause était une affaire d'état. Jamais encore les Achéens n’avaient amené des exilés avec eux en territoire lacédémonien, parce que rien ne paraissait devoir aliéner davantage l'opinion de la cité ; mais cette fois, les exilés formaient pour ainsi dire l'avant-garde de l'armée achéenne entière. A l’arrivée des Lacédémoniens, ils se formèrent en colonne et coururent à l'entrée du camp ; on commença par des injures, puis une querelle fit croître la colère et les plus nerveux des exilés s'élancèrent sur les Lacédémoniens. Tandis que ceux-ci invoquaient les dieux et la promesse des ambassadeurs, ces derniers, avec le préteur, s'employaient à disperser la foule, à protéger les Lacédémoniens et à écarter certains exilés qui, déjà, leur passaient les fers. Avec l'excitation croissante, la foule augmentait; les Achéens vinrent d’abord pour le spectacle; puis, comme les exilés hurlaient ce qu’ils avaient subi, demandaient de l'aide, affirmaient en même temps qu'ils ne retrouveraient pas une occasion pareille à celle-ci s’ils la laissaient passer, que ces hommes rendaient vain le traité sanctifié au Capitole, à Olympie et sur l'Acropole d'Athènes, qu'il fallait punir les coupables avant d'être lié à nouveau par un autre traité, la foule, échauffée par ces cris, à l’appel d’un homme qui invitait à frapper, se mit à jeter des pierres. Ainsi furent tués dix-sept Lacémoniens, qui avaient été enchaînés pendant l'échauffourée. Soixante-trois autres, que le préteur avait protégés de la violence, non qu’il voulût leur sauver la vie, mais parce qu'il ne voulait pas les laisser mourir sans s’être défendus, furent arrêtés le lendemain ; jetés à la foule en colère, après avoir adressé quelques mots à des oreilles qui se détournaient, ils furent tous condamnés et menés au supplice. Ainsi frappés de terreur, les Lacédémoniens se virent d’abord ordonner de démolir leurs remparts, puis de faire sortir du pays laconien tous les auxiliaires étrangers qui avaient servi comme mercenaires sous les tyrans ; ensuite, les esclaves affranchis par les tyrans, qui étaient très nombreux, devaient pourraient en toute justice être pris, emmenés et vendus par les Achéens. Ils aboliraient les lois et coutumes de Lycurgue et s’habitueraient aux lois et aux institutions des Achéens: ainsi ils ne constitueraient plus qu’un seul corps et s’accorderaient plus aisément sur tout. Ce qu’ils firent le plus volontiers fut de démolir les remparts, et ce qu’ils supportèrent le plus mal fut le retour des exilés (…). Tout cela priva de nerf, pour ainsi dire, la cité de Lacédémone, et elle resta longtemps à la merci des Achéens; mais rien ne lui fit plus de mal que l'abolition du mode de vie imposé par Lycurgue, auquel elle s'était accoutumée depuis huit cents ans.

» Accès au texte original (latin/grec)

Commentaire

Auteur de l'étude de cas : Martina Gatto
Date de création de l'étude de cas : 04 septembre 2021

Nom de la guerre : La répression des Achéens contre les Spartiates
Date de l’évènement : 188 av. J-C.

Thématiques : Identité
Siècle : IIe siècle av. J.-C.
Région : Grèce insulaire

Typologie de la guerre : Guerre de conquête ou interétatique
Contexte militaire : Répression après affrontement militaire
Type d’action : Massacre - Vols et destructions

Après la défaite du roi Nabis, Sparte est forcé de devenir membre de la Ligue achéenne en 192. Plus tard, au printemps de l’année 188 av. J.-C., à cause d’un soulèvement spartiate contre les Achéens, Philopœmen intervient à Sparte pour exiger la capitulation des responsables de la sédition. Malgré les assurances de leur sécurité, parmi ceux qui se présentent dix-sept sont brutalement lapidés, tandis que soixante-trois autres sont morts après un procès sommaire. Le lieu exact du massacre, Kompasion, n’est cependant révélé que plus tard (XXXIX, 36, 3). Un rôle essentiel est joué par les exilés spartiates, qui combattent dans les rangs des Achéens et jouent le rôle de provocateurs en suscitant un affrontement contre leurs propres compatriotes envers lesquels ils nourrissent des sentiments de vengeance. Au total, quatre-vingts citoyens spartiates ont péri dans les opérations. Le nombre total de victimes est rapporté de la même manière par Plutarque (Plut. Philop. 16, 4), qui ajoute également le témoignage d’Aristocrate de Sparte (FGrHist 591 F4), qui mentionne le nombre plus élevé de 350 victimes (probablement une exagération due à l’orientation pro-spartiate de ce dernier). On notera que dans la version de Pausanias, il n’est pas question d’exécutions et que trois cents spartiates furent chassés du Péloponnèse (Paus., Per., VIII, 51, 3).

En outre, Philopœmen fait démolir les murs qui avaient été construits récemment par le roi Nabis et commande de faire sortir du pays laconien les auxiliaires étrangers et les esclaves affranchis. Enfin, il abroge les lois et les coutumes en les remplaçant par les lois achéennes, forçant les Spartiates à renoncer à leur identité spartiate. L’abolition de la morale et de l’ancienne discipline datant de Lycurgue (Lycurgi leges moresque) a sûrement été la mesure la plus humiliante pour les Spartiates. La ville, privée des illustres coutumes et normes est dramatiquement décrite par Tite-Live comme une civitas enervata, complètement dépourvue de toute vigueur vitale, et forcé de s’assimiler politiquement et culturellement à la ligue achéenne. L’image utilisée par l’historien pour décrire le polis prostré est également présente chez Plutarque, qui compare l’acte de Philopœmen au fait de couper les nerfs de la ville (cfr. Philop. 16, 6).

Pour citer ce commentaire : Martina Gatto, “Sparte ‘dénervée'”, www.Parabaino.com mise en ligne le 18/11/2021

Bibliographie