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Études de cas

Le viol des Syracusaines

Auteur de l’oeuvre : Diodore de Sicile
Titre de l’oeuvre : Bibliothèque historique
Nature de l’oeuvre : récit historique
Date de rédaction de l’oeuvre : Ier siècle av. J.-C.

Références de l’extrait : XIX, 8, 3-5
Auteur de la traduction de l’extrait : Ph. Remacle

Extrait

Après avoir passé la journée à massacrer leurs concitoyens, les partisans d’Agathocle n’épargnèrent pas non plus aux femmes violences et infamies [ὕβρεως καὶ παρανομίας]: bien au contraire ils pensaient qu’outrager leur famille [συγγενεῖς ἐπήρειαν] était un bon châtiment à infliger à ceux qui avaient échappé à la mort. Selon toute vraisemblance, en effet, des époux et des pères souffriraient pis que la mort à l’idée de violences faites aux femmes et du déshonneur des jeunes filles [γυναικῶν ὕβρεις καὶ παρθένων αἰσχύνας]. Nous devons supprimer ici les effets tragiques affectés habituels aux historiens, avant tout par pitié pour les victimes et aussi parce qu’aucun lecteur ne souhaite entendre détailler ce qu’il imagine sans peine : si ces hommes avaient osé, en plein jour, dans les rues et sur l’agora, égorger de parfaits innocents, il n’est pas besoin d’indiquer ce qu’ils firent, livrés à eux-mêmes, la nuit, dans les maisons, ni comment ils se comportèrent vis à vis des jeunes filles sans père et des femmes sans défenseur, tombées sous le pouvoir discrétionnaire de leurs pires ennemis »

Commentaire

Auteur de l'étude de cas : Isabelle Pimouguet-Pédarros
Date de création de l'étude de cas : 06/12/2020

Nom de la guerre : troubles contre la tyrannie d’Agathocle
Date de l’évènement : 317 av. J.-C.

Thématiques : Genre
Siècle : IVe siècle av. J.-C.
Région : Corse-Sardaigne et Sicile

Typologie de la guerre : Guerre civile
Contexte militaire : Siège
Type d’action : Massacre

Les faits relatés renvoient aux exactions perpétrées par le tyran de Syracuse, Agathocle, contre des citoyens oligarques hostiles à son pouvoir. Au massacre de la plupart d’entre eux s’ajoutent des viols commis sur les femmes ; ces viols sont clairement énoncés et ce en dépit de l’absence d’un mot spécifique pour les désigner, contraignant l’auteur, et sans doute aussi sa source, Timée de Tauroménion, contemporain d’Agathocle, à recourir à des périphrases. Ce qui est mis en évidence ce n’est pas tant l’acte en lui-même, ni moins encore les souffrances physiques ou psychiques des femmes, mais ce qu’il représente, à savoir le franchissement d’un seuil, une transgression donc au regard du système de valeurs existant, d’où l’emploi du mot paranomos ; en effet, ces viols n’ont pas été commis sur n’importe quel individu de sexe féminin, ils ont touché les épouses et les filles de citoyens, ils sont donc susceptible de bouleverser l’ordre social, de mettre à l’épreuve les fondements de la communauté tout entière.

De plus, s’en prendre au corps des femmes, revient, dans ce contexte-ci, à porter atteinte aux hommes avec lesquels elles forment une famille [τοὺς συγγενεῖς ἐπήρειαν]. Dès lors la signification de ce type de violence est double : 1) rabaisser les époux et les pères en remettant en question la fonction de protection qui fonde leur identité ; 2) couper le lien de filiation et de fait remettre en question l’existence de l’oikos.

Ainsi, il ressort très clairement de ce texte que les partisans d’Agathocle, en ciblant une catégorie de femmes, ont utilisé le viol comme « arme de guerre » destinée à outrager et à condamner durablement les hommes ayant échappé au massacre.

Pour citer ce commentaire : Isabelle Pimouguet-Pédarros, « Viol des Syracusaines sous la tyrannie d’Agathocle », www.parabaino.com mis en ligne le 06/12/2020

Bibliographie