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Défaite de Varus (Bataille de Teutoburg) (9), Sac de Jérusalem (70), Destruction de Pompéi (79)



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Guerre civile à Rome (69 ap. J.-C.)

Guerre civile à Rome (69 ap. J.-C.)

Le massacre se déroule durant l’année dite des quatre empereurs, guerre civile particulièrement fratricide qui a vu s’affronter tour à tour les partisans de Galba, Othon, Vitellius et Vespasien. Il se situe vers la fin de cette guerre, au moment de la prise de Rome par les Flaviens contre les Vitelliens en décembre 69 ap. J.-C. Vitellius est alors à Rome mais refuse d’abdiquer. Flavius Sabinus, préfet de Rome et frère de Vespasien vient d’être assiégé sur le Capitole et assassiné. Antonius Primus et Q. Petilius Cerialis, partisans de Vespasien décident alors de se diriger vers Rome. Ils divisent leurs troupes en trois colonnes (réparties respectivement sur la voie Flaminienne, sur la rive du Tibre et sur la voie Salaria) et donnent l’assaut à la Ville.
Tacite décrit avec beaucoup de détails la violence de la prise de Rome par les Flaviens. Durant les combats eux‑mêmes, les Vitelliens ont fait preuve d’une opiniâtre ténacité, portés par le désespoir de leur situation. De leur côté, les partisans de Vespasien s’acharnent contre leurs adversaires, « aigri[s] par l[eur] résistance », comme le mentionne Tacite. Le peuple, pour sa part, assiste au combat en spectateur. Avec condescendance, Tacite le met en scène comme un élément versatile prenant alternativement parti pour les uns ou pour les autres et réclamant impitoyablement la mise à mort des vaincus. L’auteur dénonce surtout la légèreté et la décadence morale des assaillants : le massacre aurait été commis dans l’allégresse et mêlé à l’ivrognerie et au stupre. Il s’agirait d’un divertissement similaire aux jeux du cirque ou aux Saturnales. Tacite décrit d’ailleurs des scènes urbaines particulièrement suggestives où les monceaux de corps côtoient les thermes et les lupanars. Enfin, l’auteur des Histoires relate la persistance du comportement violent des troupes même après que les combats ont cessé et que Vitellius a été exécuté. Portés par l’esprit de vengeance, désinhibés par les violences précédentes et galvanisés par la licence qui régnait alors (probablement octroyée par les chefs), ils poursuivent le massacre de manière plus systématique. Ils fouillent alors les maisons et égorgent tout partisan de Vitellius, que celui-ci soit soldat ou simple citoyen. Mais plutôt que d’élucider le caractère politique d’une telle épuration, Tacite préfère souligner la cupidité proverbiale (et stéréotypée) des soldats, des esclaves ou du petit peuple, qu’il décrit avides de l’or des victimes. L’auteur termine alors son analyse par une critique acerbe contre les chefs flaviens n’ayant pas su maintenir un contrôle vertueux sur leurs troupes.
L’ampleur du massacre n’est pas chiffrée par Tacite. Mais Flavius Josèphe (Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, 4.650-654) et Cassius Dion (Cassius Dion, Histoire romaine, 64.19.1-3 ; 20.1) évoquent le nombre de cinquante mille victimes, tout camp confondu. Trois éléments particularisent ce massacre et ont choqué à la fois leurs contemporains et les auteurs anciens. En premier lieu, le caractère urbain des combats était sacrilège à plus d’un titre. L’entrée des troupes dans Rome n’était d’ordinaire pas permise et l’acharnement des combats a souillé les rues de la brillante Urbs. L’aspect fratricide du massacre entre Romains constitue un second point traumatique. L’événement fait d’ailleurs naturellement écho aux massacres perpétrés plus d’un siècle auparavant durant les guerres civiles du Ier s. av. J.-C. Enfin, malgré la volonté explicite des chefs d’épargner à Rome les sacrilèges inhérents à toute prise de ville, Tacite décrit, non sans emphase, les autels, les temples ou les places romaines rougies par le sang. Dans le système de pensée romain, il s’agit donc d’une impiété majeure.

Pour citer ce commentaire : Sophie Hulot, “Guerre civile à Rome (69 ap. J.-C.) : le massacre lors de la prise de Rome par les Flaviens”, www.parabaino.com mis en ligne le 18/10/2021


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Le désastre de Varus (Cassius Dion)

Le désastre de Varus (Cassius Dion)

En 9 ap. J.-C., l’armée de P. Quinctilius Varus effectue un déplacement dans la forêt de Teutobourg en Germanie. Elle subit une embuscade de la part d’une coalition de Germains (chérusques, marses, chattes et bructères) menée par Arminius. En position de force, le chef chérusque massacre trois légions, six cohortes d’auxiliaires, trois ailes de cavalerie et sans doute une partie des non-combattants qui les accompagnaient (femmes, enfants, valets d’armes). Le massacre est d’abord singulier par son ampleur qui, dit-on, aurait fait planer une menace sur la ville même de Rome et aurait largement déstabilisé le système de défense augustéen. Mais il est aussi exceptionnel par sa durée (plusieurs jours) alors que les combats de plaine ne s’étendaient d’ordinaire que sur quelques heures. Les pertes humaines sont particulièrement considérables durant le troisième jour, moment également choisi par le légat consulaire Varus et une partie de ses « officiers » pour se suicider. Le texte est un récit (malheureusement lacunaire) de cette défaite romaine qui est aussi parfois connue sous le nom de désastre de Varus.
L’extrait décrit tout d’abord les conditions de l’embuscade : l’armée romaine, encombrée de nombreux chariots et de non-combattants, a opté pour une formation très étirée lors de son déplacement. La forêt qu’elle traverse est en effet peu praticable à cause de l’étroitesse de ses chemins, de la boue omniprésente et de chutes fréquentes d’arbres. Le premier jour, les blessés sont nombreux et l’armée romaine subit quelques pertes, notamment à cause des traits lancés de loin par l’ennemi. Le deuxième jour, et alors que l’armée s’est débarrassée d’un grand nombre de ses chariots, le massacre se poursuit à cause de l’étroitesse des chemins qui ne permettent pas à la cavalerie et à l’infanterie de manœuvrer correctement. Le troisième jour est le plus meurtrier. À cause des conditions climatiques (pluie et vents forts), l’armée romaine ne peut ni se mouvoir ni se servir de ses armes. Après avoir évalué l’ampleur du massacre et le désespoir de la situation, Varus et ses principaux officiers se suicident afin de ne pas être capturés par l’ennemi. Une grande partie des soldats suit son exemple ou se résigne à se faire tuer. Enfin, une partie des non-combattants parvient à s’échapper puisque les Germains les délaissent, préférant faire du butin plutôt que les tuer.
Même si Cassius Dion écrit plus de deux siècles après les faits, il s’efforce d’expliquer en détail à son lecteur les ressorts extraordinaires de ce massacre, notamment d’un point de vue militaire. Cette démarche ne saurait surprendre : l’épisode a été vécu comme un traumatisme et les auteurs anciens se sont attachés à essayer de le présenter comme un accident de parcours dans une conquête romaine bien huilée. Cassius Dion essaie ainsi de minimiser la responsabilité de l’armée de Varus en insistant sur les difficultés du terrain, sur le mauvais temps ou encore sur l’infériorité numérique des troupes romaines. La responsabilité du désastre est même moins reportée sur le général que dans d’autres écrits anciens. La réaction énergique d’Auguste à l’annonce du désastre est enfin mise en valeur à la fin de l’épisode. En tout état de cause, rien ou presque n’est dit des raisons qui ont pu pousser les Germains à opérer un tel massacre. À peine trouve-t-on auparavant (LVI.18-19) quelques remarques indiquant que la rive droite du Rhin constituait un territoire fraîchement et très diversement conquis ou que les Germains étaient excédés par les mesures brutales du gouverneur Varus. Mais aucune raison n’est avancée pour expliquer plus précisément la mise à mort de tant de troupes romaines, et peut-être même, de non-combattants. Le massacre apparaît ainsi, sans doute à juste titre, comme une pratique de guerre ordinaire dans l’Antiquité, en particulier de la part de « barbares ». Rien n’est dit non plus des pratiques transgressives des Germains qui sont pourtant relatées chez d’autres auteurs (notamment chez Tacite ou Florus). Sont ainsi passés sous silence les décapitations, les mutilations (yeux, mains, langue), l’immolation des officiers aux divinités ainsi que l’abandon des cadavres sans sépulture. Tout au plus les Germains sont-ils présentés comme avides de butin et, par conséquent, appelés à épargner, bien involontairement, les non-combattants.
L’événement a été si traumatisant pour les Romains qu’il a connu une grande renommée et que de nombreux auteurs anciens y font allusion, notamment Velleius Paterculus, Tacite, Suétone, Florus et Orose. Mais, hormis le texte de Cassius Dion présenté dans cette étude de cas, seuls deux récits sont assez substantiels pour fournir des informations concrètes sur l’événement : celui de Velleius Paterculus (Histoire romaine, 2.117.1; 2.119) et celui de Tacite (Annales, I.60-62). Tous deux présentent toutefois un certain nombre de problèmes. La narration de Velleius Paterculus est relativement courte et imprécise. Elle propose en outre une argumentation moralisante (apathie de Varus, perfidie et vengeance des Germains). La description de Tacite est, pour sa part, un récit rétrospectif des faits : elle relate les souvenirs des rescapés lors du passage des troupes de Germanicus sur le lieu de l’affrontement en 14 ap. J.-C. Elle est donc également très elliptique.

Pour citer ce commentaire : Sophie Hulot, “Le désastre de Varus (Cassius Dion)”, www.parabaino.com mis en ligne le 18/10/2021